Internet: trois Marseillais font un tabac avec leur "techno indienne"
 

23/02/2000

Le MP3, le format qui fait peur ...

En diffusant gratuitement ses compositions sur internet, Nataraj-XT a atteint une notoriété mondiale. Sensation du dernier Midem, il vient de lancer son disque dans le circuit classique

Le local de répétition de Nataraj-XT ressemble encore à celui d'un groupe rock de quartier. Emballages d'œufs au mur, vieux tapis et rideaux pour étouffer le bruit, une batterie essoufflée dans un coin... Seuls deux détails prouvent qu'on est bien là dans l'antre du trio marseillais qui, il y a quelques semaines, a chamboulé le monde de l'internet avec sa drôle de musique: un sarod, instrument à cordes indien, qui dépasse de sa boîte, et un PC maousse d'où part un flot de connexions de toutes les couleurs.
L'histoire de Nataraj-XT a des allures supersoniques et tombe à pic pour illustrer le grand chambardement imposé dans le business musical par le réseau mondial. En quelques semaines, Richard, Philippe et Pierre, honnêtes artistes oubliés par la notoriété, se sont retrouvés par le miracle du Net au cœur de conversations agitées et de négociations acharnées au dernier Midem, le marché des musiques de Cannes. Le 26 -janvier, le groupe a même fait un triomphe sur la scène du palais des Festivals où, habituellement, les groupes traînés là par leurs maisons de disques n'ont droit qu'à des regards las de professionnels blasés.

Mondialement reconnus sur le web
Nataraj-XT, c'est l'association de deux quadragénaires, Richard Bernet et Pierre Grimout, spécialisés dans la musique traditionnelle indienne, et d'un jeune rocker-informaticien, Philippe Capitani, que toutes les expériences sonores intéressent. En août dernier, les deux premiers, qui se sont connus sur la route de Katmandu, veulent revigorer leurs compositions à coups de "nappes technos"... Le troisième s'exécute et le tout donne une dizaine de titres dévastateurs où rythmes électroniques et mélodies millénaires font l'union sacrée.
Totalement étrangers au milieu de la musique techno, les deux Marseillais (Richard et Philippe) et l'Aptésien (Pierre) auraient pu alors opter pour le parcours classique de l'artiste inconnu: "Aller se casser les dents à la porte des labels" résume Philippe... Au lieu de cela, ils jouent la carte du web et déposent quatre de leurs maquettes sur le plus grand site de téléchargement de musique MP3.com. Ce web américain (www.mp3.com) accueille chaque jour plusieurs centaines de milliers de visiteurs à la recherche des titres mis en ligne par des artistes du monde entier.
Et là, boum, c'est l'explosion. En quelques jours, les morceaux hypnotiques de Nataraj-XT sont commandés gratuitement par des milliers de personnes. Une composition, "Kafi", atteint même la deuxième place des "plus demandés" du site, catégorie techno mondiale. "Au début, raconte Philippe, je voulais juste connaître le sentiment des gens sur notre travail...Le résultat nous a sciés". La flambée populaire est réelle mais le groupe n'y gagne pas un centime puisqu'il a opté pour une mise à disposition gratuite de sa musique.

Retour aux voies classiques
Repéré par des journalistes spécialisés, le mythe Nataraj déclenche en revanche un bouillonnement médiatique qui culminera au Midem : "On a été interviewés par des télés et des radios de tous les pays" raconte Richard, encore étourdi par le tourbillon cannois. Un tourbillon qui souffle aussi en coulisses où le groupe est désormais représenté par Noosfere, petit label vauclusien jusqu'alors spécialisé dans la musique de relaxation.
C'est là, en effet, que la belle histoire du "groupe qui conquiert le monde via Internet" trouve ses limites. Et que l'industrie du disque retrouve des couleurs. Alors qu'ils se sont bâtis une notoriété mondiale sur le réseau, les trois musiciens ont préféré revenir vers des voies plus classiques pour commercialiser Tandava, l'album produit fin novembre. "On travaillait déjà avec Noosfere pour notre musique traditionnelle" explique Richard. "Et on ne se sentait pas de distribuer nous-même les disques, reprend Philippe pour qui le web n'était finalement "qu'un outil pour se faire connaître du public et pas pour vendre nos albums".

Gilles Rof

Nataraj-XT sera demain en concert au Café Julien à Marseille. 21h. 04-91-24-34-10